
Le changement d’heure, ça ne date pas d’hier ! Un petit rappel des faits s’évère donc nécessaire. C’est Benjamin Franklin qui l’évoque pour la toute première fois en… 1784. Le scientifique, écrivain et diplomate américain songe à décaler les heures avec les changements de saisons, déjà, à l’époque, dans le but d’économiser de l’énergie. Mais son idée n’intéresse personne. Ce n’est qu’en 1907 que l’inventeur et entrepreneur anglais William Willet y fait référence dans une brochure intitulée Waste of Daylight (Gaspillage de la lumière du jour). Il est à l’origine du Summer Time Act qui instaure en mai 1916 l’heure d’été au Royaume-Uni. Juste après l’Allemagne qui sera la première, en avril 1916, à décider d’appliquer cette mesure d’économies de l’énergie. En France, elle sera adoptée en 1917.
À la Libération, en 1945, le changement d’heure sera annulé. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la zone occupée étant à l’heure allemande, différente de celle qui s’appliquait en France avantguerre, il était nécessaire d’unifier les horaires dans le pays. Ce n’est finalement qu’en 1975 que le principe d’une heure légale variant au cours de l’année est réinstauré par décret en France. Une justification qui repose une nouvelle fois sur la recherche d’économies d’énergie, imposée par le premier choc pétrolier de 1973.
Malgré un rapport préconisant d’abandonner le changement d’heure en 1996, le fait d’avancer sa montre ou de la reculer deux fois dans l’année est maintenu. En 1998, l’Union européenne décide même d’harmoniser les dates dans les États membres, afin de favoriser économies et échanges : le passage à l’heure d’hiver s’effectue désormais le dernier dimanche d’octobre, et le passage à l’heure d’été, le dernier dimanche de mars.
1Changement d’heure : des résultats pas aussi éco ni écolo…
L’objectif est de faire coïncider les heures d’activités avec les heures d’ensoleillement, afin de limiter l’utilisation de l’éclairage artificiel et, ainsi, de réaliser de fortes économies énergétiques. Rester au lit une heure de plus en hiver évite d’allumer la lumière au bureau, et se lever plus tôt en été permet de profiter davantage de la clarté en soirée. Bref, que du bonheur. Sauf que… Concrètement , ça donne quoi ? L’économie d’énergie est indéniable. En effet, en 2009, on aurait économisé 440 GWh en éclairage, soit la consommation de 800 000 foyers. Le ministère de l’Écologie et du Développement durable et de l’Énergie avance même le chiffre suivant : grâce à ces économies, ceux sont 44 000 tonnes de CO2 en moins dans l’atmosphère. Et en 2030, la réduction globale des émissions dues au changement d’heure pourrait être de 70 000 à 100 000 tonnes de CO2 !
Seulement voilà, une étude réalisée par le Bureau national de recherche économique (National Bureau of Economic Research), un organisme américain, a démontré tout autre chose. Réalisée en 2008, auprès des foyers de l’État de l’Indiana, l’étude relève que le changement biannuel d’heure conduit à une augmentation des besoins en chauffage le matin au début du printemps, et en climatisation, les soirs d’été. Soit une surconsommation de 1 %. En France, un rapport du Sénat publié en 1996 a mis en avant le fait que le changement d’heure entraînait une augmentation de la pollution atmosphérique. La raison est simple : l’heure de clarté supplémentaire du soir inciterait davantage les automobilistes à sortir leur voiture du garage. « La pointe de circulation coïncidant avec les heures les plus chaudes de la journée augmente les concentrations d’ozone par phénomènes de photo-oxydation », constate le rapport.
En résumé : prendre sa voiture à l’heure où le soleil tape encore empoisonne encore plus l’atmosphère. Par ailleurs, le rapport du Sénat précise, se référant à une étude sur la qualité de l’air de 1986, que le passage à l’heure d’été « entraîne une augmentation de la concentration maximale en ozone, d’en moyenne 10 % et plus pour la ville de Paris ». Évidemment, le rapport demandait, en conclusion, que soit abandonné le dispositif du changement d’heure.
En 2007, alors que la Commission européenne soulignait « que les économies effectivement réalisées sont difficiles à déterminer et, en tout cas, relativement limitées », elle concluait ainsi : « Le régime actuel ne constitue pas un sujet de préoccupation dans les États membres de l’UE. » Voilà qui est dit… Mais à défaut d’émouvoir les responsables européens, le double changement d’heure inquiète de nombreux chronobiologistes, qui le considèrent plutôt néfaste pour la santé. Et plus spécifiquement pour celle des jeunes enfants. Ses effets sur notre organisme au cours d’une année ne manquent pas : irritabilité, troubles du sommeil ou de l’appétit, infections virales, etc.